MAROC (CATÉGORIE 2)

Le gouvernement du Maroc ne se conforme pas entièrement aux normes minimales pour l’élimination de la traite des personnes, mais il fait des efforts importants dans ce sens. Il a pris davantage de mesures en comparaison avec la période visée par le rapport précédent ; le Maroc est donc demeuré dans la Catégorie 2. Le gouvernement a fait la preuve de l’intensification de ses efforts en promulguant une nouvelle loi qui interdit toutes les formes de traite des personnes et établit une commission interministérielle chargée de la lutte contre la traite. Il s’est également efforcé de réduire la vulnérabilité à la traite en promulguant une nouvelle loi limitant le travail domestique des enfants et en offrant aux migrants en situation irrégulière l’accès à des mesures de protection juridique et des services sociaux. Toutefois, il n’a pas respecté les normes minimales dans plusieurs domaines clés. Il a fait état d’efforts limités quant aux enquêtes et aux poursuites sur d’éventuels délits liés à la traite, et il n’a pas indiqué avoir effectué le repérage ou l’identification proactive de victimes de la traite, en particulier parmi les migrants en situation irrégulière, qui sont restés très vulnérables à la traite des êtres humains au Maroc. En conséquence, des victimes non identifiées dans les groupes vulnérables ont continué de courir le risque d’être sanctionnées et replacées dans une situation de traite. Le gouvernement n’a pas non plus fourni de services de protection spécialisés qui répondraient spécifiquement aux besoins des victimes de la traite.

RECOMMANDATIONS À L’INTENTION DU MAROC

Mettre en œuvre la loi de 2016 contre la traite des êtres humains et donner une formation aux autorités judiciaires et de la force publique sur son application ; augmenter considérablement les enquêtes, les poursuites judiciaires et les condamnations à l’encontre des trafiquants, et imposer des peines suffisamment sévères ; élaborer des procédures pour permettre aux agents publics d’identifier de façon proactive les victimes de la traite, surtout parmi les migrants en situation irrégulière ; veiller à ce que les victimes ne soient pas sanctionnées pour des délits commis en conséquence directe de leur condition de victimes de la traite, comme des violations des lois sur l’immigration et la prostitution ; fournir des services de protection adéquats aux victimes de la traite au moyen de fonds ou d’un soutien en nature accordés aux ONG qui offrent des services spécialisés aux victimes de toutes les formes de traite des personnes ; élaborer et mettre en œuvre des procédures officielles concernant l’identification des victimes et leur prise en charge en utilisant une approche axée sur la victime ; améliorer considérablement la collecte et la communication des données sur l’application des lois, en séparant notamment les données sur les délits liés à la traite des personnes et celles portant sur les délits liés au trafic de migrants ; et renforcer les campagnes de sensibilisation du public portant sur toutes les formes de la traite des hommes, des femmes et des enfants.

POURSUITES JUDICIAIRES

Le gouvernement a amélioré ses capacités de répression de la traite en promulguant une loi contre la traite des êtres humains, mais il a déployé des efforts limités pour ce qui est des enquêtes et des poursuites sur d’éventuels délits liés à la traite. Il a promulgué la loi anti-traite 27.14 en septembre 2016, qui interdit toutes les formes de traite des êtres humains. Cette loi prescrit des peines de cinq à trente ans de prison, qui sont suffisamment sévères, en conformité avec la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, et proportionnées à celles qui sont imposées pour d’autres crimes graves, comme le viol. Plusieurs lois en vigueur pendant la période visée par le rapport interdisaient certaines formes de traite des personnes, mais pas toutes. En général, les peines prévues par ces lois n’étaient pas assez sévères. L’article 467-2 du Code pénal du Maroc interdit le travail forcé des enfants et prescrit des peines d’un à trois ans de prison, ce qui n’est pas assez sévère. Les articles 497 à 499 du Code pénal interdisent également la prostitution forcée et la prostitution des enfants et prescrivent des peines allant jusqu’à 10 ans de prison ou la réclusion à perpétuité pour les délits s’accompagnant de circonstances aggravantes ; ces peines sont suffisamment sévères et proportionnées à celles qui sont imposées pour d’autres crimes graves, comme le viol. Le Code pénal ne définit pas et ne sanctionne pas expressément la traite à des fins sexuelles. L’article 10 du Code du travail marocain interdit le travail forcé ; ce délit est passible d’une amende pour la première infraction et d’une peine de prison allant jusqu’à trois mois pour les infractions ultérieures ; ces peines ne sont pas assez sévères.

Le gouvernement n’a pas publié de données sur les arrestations ou les poursuites judiciaires. Des médias et des missions diplomatiques ont indiqué que le gouvernement a œuvré en étroite collaboration avec l’Espagne pour arrêter, poursuivre et condamner des responsables de la traite internationale. En février 2017, la coopération entre le Maroc et l’Espagne a entraîné l’arrestation d’un réseau de 10 personnes qui effectuaient le transport de victimes de la traite entre ces deux pays. Le gouvernement a également indiqué avoir coopéré avec les Pays-Bas et la Turquie au sujet de cas de traite internationale pendant la période visée. En 2016, le gouvernement a signalé deux condamnations pour mendicité forcée d’enfants, affaires pour lesquelles les deux coupables ont chacun reçu une peine d’un mois de probation, ce qui n’est pas suffisant, selon les défenseurs des droits, pour avoir un effet dissuasif. Il a également signalé avoir démantelé 33 réseaux de trafic de migrants et de traite de personnes en 2016, mais n’a pas indiqué avoir mené des poursuites à l’encontre des responsables de ces réseaux pour délits présumés liés à la traite. Il a lancé des enquêtes séparées et procédé à l’arrestation de trois Saoudiens et d’un Américain accusés de traite de mineurs à des fins sexuelles et de tourisme sexuel pédophile. En 2016, il a poursuivi l’enquête relative à sept soldats de la paix marocains accusés d’exploitation sexuelle en République centrafricaine et en République démocratique du Congo, comme l’avait indiqué une organisation internationale. À la fin de la période visée par le rapport, cette organisation internationale a précisé que trois de ces enquêtes étaient en cours, deux avaient établi que les accusations étaient infondées et deux avaient établi qu’elles étaient fondées. Dans les deux dernières affaires, un ancien soldat de la paix aurait été condamné à une peine de prison et l’autre a été rapatrié pendant que se poursuit la procédure. En 2016, le gouvernement a réuni des officiels pour trois tables rondes sur l’identification, la prise en charge et la protection des victimes, afin de renforcer les capacités et la coordination du personnel chargé de la lutte contre la traite des personnes dans sept départements du pays. De plus, des responsables de plusieurs ministères, y compris de la police, se sont réunis régulièrement pour coordonner diverses actions de lutte contre la traite. Le ministère de la Justice a organisé des programmes réguliers de formation sur la traite des êtres humains à l’intention des juges et d’autres responsables des services judiciaires en 2016. Après la promulgation de la loi anti-traite de 2016, une organisation internationale – avec une aide en nature du gouvernement – a dispensé une formation à un groupe de juges sur ses dispositions et sa mise en œuvre.

PROTECTION

Le gouvernement a déployé des efforts minimes pour identifier et protéger les victimes de la traite. Comme pendant les années précédentes, il n’a pas fait état d’initiatives proactives pour identifier des victimes de la traite, y compris celles appartenant à des groupes vulnérables comme les migrants en situation irrégulière. Des organisations internationales et des ONG ont indiqué que certains responsables des forces de l’ordre locales leur ont transmis de façon informelle des dossiers de femmes, d’enfants et de migrants vulnérables, y compris d’éventuelles victimes de la traite, pour qu’ils reçoivent des services sociaux. Bien que les expulsions forcées de migrants aient énormément diminué ces dernières années, le gouvernement a continué d’organiser régulièrement la réinstallation forcée à l’intérieur du pays de migrants en situation irrégulière, en particulier à Nador. Il n’a pas cherché à identifier d’éventuelles victimes de la traite dans ce groupe démographique vulnérable, et par conséquent, certaines victimes non identifiées ont peut-être été sanctionnées pour des actes illicites commis en conséquence directe de leur condition de victimes de la traite, comme des violations des lois sur l’immigration et la prostitution. Même si le gouvernement a poursuivi ses initiatives pour régulariser plusieurs types de migrants en situation irrégulière, il n’a pas cherché à identifier d’éventuelles victimes de la traite parmi les personnes dont le séjour a été régularisé grâce à ce programme.

Le gouvernement n’a pas fourni de services de protection conçus ou financés spécifiquement pour aider les victimes de la traite. Des organisations de la société civile et certaines ambassades étrangères ont continué d’être les fournisseurs principaux de services de protection pour les victimes de la traite, et le gouvernement a fourni un financement ou un soutien en nature limité. De plus, certains responsables de la police auraient aidé des ambassades étrangères à récupérer les passeports de migrants confisqués par leurs employeurs. Le gouvernement a continué de fournir une grande gamme de services sociaux et de santé ainsi que des mesures de protection juridique à des femmes et des enfants vulnérables, y compris des victimes de crimes et de mauvais traitements, dont certains étaient peut-être des victimes de la traite non identifiées. En 2016, le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration a accordé une aide financière à 231  projets destinés à offrir des programmes d’intégration, y compris des services sociaux, médicaux et juridiques, à des migrants vulnérables, des réfugiés et des victimes de la traite, mais il n’a pas indiqué combien de victimes de la traite avaient reçu une telle aide pendant la période visée. À la fin de cette période, ce ministère avait élargi ce programme de partenariat avec la société civile pour toucher 124 organisations dans dix régions différentes du Maroc. Ce ministère disposait également d’un plan d’action pour protéger les migrants marocains à l’étranger ; pendant la période visée, il n’a pas fourni de services spécialisés aux Marocains rapatriés qui avaient été exploités à l’étranger. Les autorités auraient encouragé les victimes à jouer un rôle dans les enquêtes sur leurs trafiquants, mais elles n’ont pas indiqué que des victimes avaient témoigné en 2016. Le décret n1-11-164 et la loi 27.14 de lutte contre la traite prévoient certaines mesures de protection des victimes et des témoins qui font des dépositions contre des trafiquants. Il existe des dispositions juridiques pour prévenir l’expulsion des victimes étrangères de la traite vers des pays où elles pourraient subir des représailles ou des difficultés.

PRÉVENTION

Le gouvernement a accru ses activités de prévention de la traite des personnes. La nouvelle loi de lutte contre la traite prévoit la création d’une commission interministérielle nationale chargée de la coordination des mesures ayant pour but de combattre et d’empêcher la traite des êtres humains. En 2016, le gouvernement a rédigé des directives et défini les attributions de la nouvelle commission, mais ses travaux n’étaient pas terminés à la fin de la période visée et la commission n’avait pas été créée. En août 2016, le gouvernement a promulgué une loi qui interdit l’emploi de travailleurs domestiques âgés de moins de 16 ans et limite strictement l’emploi de jeunes âgés de 16 à 18 ans pour faire du travail domestique ; pour donner aux employeurs le temps de se mettre en règle, cette loi n’a pas été appliquée pendant la période visée, mais elle doit entrer en vigueur en août 2017. En décembre 2016, le gouvernement a annoncé et adopté un plan de mise en œuvre de la deuxième phase de sa campagne de 2014 de régularisation des migrants, qui a accordé un titre de séjour à divers types de migrants en situation irrégulière et leur a permis d’avoir accès au marché de l’emploi, à des services d’emploi, à l’éducation, à des mesures de protection juridique et à certains services sociaux ; à compter de mars 2017, plus de 18 000 migrants avaient déjà demandé leur régularisation. Le gouvernement a continué de prendre quelques mesures pour réduire la demande d’actes sexuels tarifés et le tourisme sexuel pédophile. En novembre 2016, en association avec une organisation internationale, il a mis au point un programme de sensibilisation à l’exploitation des enfants sur Internet. De plus, le gouvernement s’est efforcé de réduire la demande de travail forcé. En 2016, le ministère de l’Emploi et des Affaires sociales a mené 543 inspections sur le travail des enfants, et 79 mises en demeure ont été signifiées à des employeurs qui ne respectaient pas les lois. Les inspecteurs du travail ont également retiré 80 jeunes de moins de 15 ans de lieux de travail et 166 jeunes âgés de 15 à 18 ans de lieux de travail dangereux. Le gouvernement n’a pas indiqué s’il avait imposé des amendes à ces employeurs ou si les inspecteurs avaient identifié des victimes de la traite parmi ces enfants. Comme par le passé, le travail des inspecteurs a continué d’être entravé par le manque de personnel et ceux-ci n’avaient pas l’autorisation légale de pénétrer chez les particuliers, ce qui les empêchait d’identifier des enfants ou des adultes assujettis à la servitude domestique. Le gouvernement a donné à son personnel diplomatique une formation sur les droits de l’homme, qui comprenait des informations sur les questions relatives à la traite des personnes. Les forces marocaines de maintien de la paix ont continué d’avoir une politique de « tolérance zéro », et le gouvernement a dispensé une formation au sujet de l’exploitation sexuelle, mais pas spécifiquement de la traite des personnes, aux soldats marocains avant leur déploiement à l’étranger dans le cadre de missions de maintien de la paix de l’ONU.

CARACTÉRISTIQUES DE LA TRAITE DES PERSONNES

Comme l’ont constaté les rapports des cinq dernières années, le Maroc est un pays d’origine, de destination et de transit pour des hommes, des femmes et des enfants victimes du travail forcé et de la traite à des fins sexuelles. Selon une étude réalisée en novembre 2015 par le gouvernement marocain avec l’appui d’une organisation internationale, des enfants sont exploités au Maroc par le travail forcé, le travail domestique, la mendicité et la traite à des fins sexuelles. Bien que le nombre de cas de travail domestique d’enfants ait baissé depuis 2005, des fillettes sont recrutées dans des zones rurales pour travailler comme employées de maison dans les villes et deviennent victimes du travail forcé. Des garçons marocains sont soumis au travail forcé comme apprentis dans la fabrication artisanale, le bâtiment et les ateliers de mécanique automobile. L’étude de 2015 a également constaté que des femmes sont forcées à se prostituer au Maroc par des membres de leur famille ou par d’autres intermédiaires. Certaines migrantes sans papiers, surtout originaires d’Afrique subsaharienne ainsi qu’un petit nombre croissant venant d’Asie du Sud, sont contraintes de se prostituer et de faire du travail forcé. Des réseaux criminels à Oujda, près de la frontière avec l’Algérie, ainsi que dans la ville côtière septentrionale de Nador, forcent des migrantes sans papiers à se prostituer et à mendier ; des réseaux d’Oujda forceraient également des enfants de migrants à mendier. Certaines migrantes qui transitent par Oujda, en particulier des Nigérianes, sont forcées de se prostituer une fois qu’elles arrivent en Europe. Des organisations internationales, des ONG locales et des migrants signalent que les femmes et les enfants isolés venant de la Côte d’Ivoire, de la République démocratique du Congo, du Nigeria et du Cameroun sont très vulnérables à la traite à des fins sexuelles et au travail forcé au Maroc. Selon certains comptes rendus, des réseaux camerounais et nigérians forceraient des femmes à se prostituer, et des réseaux nigérians forceraient également des femmes à mendier dans les rues en menaçant les victimes et leur famille ; en général, les victimes ont la même nationalité que les trafiquants. Des femmes originaires des Philippines et d’Indonésie sont recrutées pour travailler comme employées de maison au Maroc, mais à leur arrivée, certaines sont soumises au travail forcé, elles ne reçoivent pas leur salaire, leurs passeports sont confisqués et elles subissent des violences physiques de la part de leurs employeurs.

Des hommes, des femmes et des enfants marocains sont exploités par le travail forcé et la traite à des fins sexuelles, surtout en Europe et au Moyen-Orient. Des Marocaines qui sont forcées de se prostituer à l’étranger subissent des restrictions concernant leur liberté de circulation ainsi que des menaces et des violences psychologiques et physiques. Des étrangers, venus surtout d’Europe et du Moyen-Orient, font du tourisme sexuel pédophile dans les principales villes marocaines.